Former l’Ingénieur Citoyen

Qui paiera nos retraites ? Mais les robots, bien sûr !

lundi 26 octobre 2009

Qui paiera nos retraites ? Mais les robots, bien sûr ! (1)

(1) Dans « MicroHebdo » du 2 juillet 2009, pour légender les photos de deux robots humanoïdes, on trouve : « Au Japon, les robots portent le tablier. M. Asahi, créature d’un grand brasseur, sert des pintes de bière, tandis que Motoman-SDA10, présenté au salon Fooma 2009, prépare des crêpes japonaises. Dans l’archipel, où la population vieillit rapidement, on compte sur les robots pour, à l’avenir, combler le déficit en main-d’œuvre. » Mais par rapport à notre titre, ces robots humanoïdes sont un simple « à-côté », car c’est bien des robots non humanoïdes de tous types qu’on obtient la croissance… de productivité qui ne se dément pas et se prolongera longtemps encore.

oOo

Chers amis ingénieurs (avec ou sans frontières), on ne nous/vous dit pas tout ! Personnellement, j’en ai par-dessus la tête du discours biaisé qu’on nous tient à longueur d’année sur « qui paiera nos retraites », style « ça a eu payé, mais ça payera plus » ! Lecteur assidu de « Les Echos », qui fournit malgré tout du grain à moudre (mais sachant bien de quel coté il penche…), j’ai pris son numéro du 26 juin 2009, et j’en ai extrait deux articles touchant à nos retraites. Vous savez que dans la « kremlinologie » du temps de la guerre froide, il fallait savoir lire la Pravda entre les lignes, et qu’on arrivait à en tirer de la substantifique moelle (tant, même en régimes totalitaires, il est difficile de « parler pour ne rien dire »). Eh bien, c’est l’exercice que je vous propose ici, avec deux articles de « Les Echos » sur les retraites : analyser le dit et le non dit, pour mieux disséquer les techniques d’enfumage dont nous sommes victimes (tout ingénieurs que nous soyons : alors, pensez les autres !)

« La crise rend plus aigu encore le problème du financement des retraites »

Tel est le titre du premier article qu’on nous donne à « ronger ». Dès le titre, on a la puce à l’oreille : il s’agit de « financement ». Il s’agit donc d’un jeu d’écritures comptables. Au moins, le titre est honnête. Il aurait pu être, par exemple : « Qui assurera dans quarante ans (c’est l’horizon de l’article) la subsistance de nos retraités ? ». Non, ils ont l’honnêteté de titrer sur le financement : c’est donc qu’on va assister à un tour de bonneteau comptable (genre cotisants prélevés, pensions servies, déficit etc.). Et en effet, on n’est pas déçu sur ce point : c’est de la comptabilité en chambre. D’ailleurs, il n’y est question que d’euros, c’est tout dire ! Il y en a que cela rassure, et qui, marchant sur le « monétaire », ont le sentiment que c’est du solide. J’ai plutôt, personnellement, le sentiment qu’on nous entraîne sur les sables mouvants. Mieux : dès qu’on me parle de monétaire (et pourtant je suis un ex « business school ») j’ai tendance à « sortir mon pistolet », ou au moins, à redoubler de vigilance. Eh bien, redoublons de vigilance, et entrons dans le gras de l’article. Première constatation : le solde actuel de l’assurance-retraite serait positif ! (Régime général des salariés du privé : plus 1,4 milliard d’euros). Les bras m’en tombent : je croyais que nous étions déjà dans le trente-sixième dessous ! (Nota : cet excédent est probablement vieux de deux ou trois ans, tant l’échelle du graphique est torturée). Mais pas d’optimisme béat, car vers 2015-2018, les horreurs commencent : 8,7 milliards d’euros de déficit (par an ? le graphique ne le dit pas, mais supposons-le). Admirons, d’ailleurs, la décimale : huit virgule sept ! Cela prouve au moins que le calcul sort d’un ordinateur, sans interférence humaine, même pour le bon sens qui aurait pu nous donner une marge d’erreur. Et bien sûr, la suite est à l’avenant : déficits de 12,9 milliards autour de 2020, de 25,2 milliards autour de 2030, de 38,6 milliards autour de 2040, et de 44,5 milliards entre 2040 et 2050 ! En physique, science exacte s’il en est, il existe pourtant un « principe d’incertitude » dû à Werner Heisenberg. En (d)économie, il n’en existe pas : toutes les décimales sont bonnes à prendre, et un horizon de 40 ans sur les extrapolations ne pose pas problème. (Sachant que même la démographie, qu’on peut considérer comme un facteur « lourd », peut facilement « faire du yo-yo » en l’espace de 15 à 30 ans). Mais poursuivons, et ce, justement, dans le domaine de la démographie. Il appert donc que tout ceci est fondé, pour la période 2006-2050, sur l’évolution suivante du nombre de cotisants et de retraités (la tarte à la crème de ce genre de calculs (d)économiques) :

Année 2006 2015 2020 2030 2040 2050
Nb cotisants (millions) 16,8 18,3 18,5 18,6 18,8 18,9
Nb retraités 10,5 13,8 15,3 18,6 21 22,1
Déficits (milliards €) -1,4 8,7 12,9 25,2 38,6 44,5

Eléments de kremlinologie

On s’en tient pour l’instant à ce tableau, dont la ligne « déficits » nous a servi d’entrée en matière. Mais il y aura mieux dans le corps du texte de l’article (voir plus loin).

Nombre de cotisants = nombre d’actifs ?

• On supposera que le nombre de cotisants est représentatif du nombre des travailleurs dûment enregistrés sur un rôlet (payroll). Il va légèrement croissant (n’ironisons plus sur les décimales), d’environ 12% sur 40 ans (2010-2050 : quelle acuité pour la longue-vue !), l’essentiel de l’augmentation étant pris dans les dix années en cours (+ 9%). Rien à dire (enfin presque) sauf que :

• Il y a, en réserve, de l’ordre de 2 millions de cotisants virtuels (pour 16,8 millions de cotisants réels) : les chômeurs. Mais il semble que c’est une fatalité contre laquelle on peut peu. Même que, dans cette série de chiffres, on avait supposé vers 2015 un taux de chômage de 4,5% = 800.000 chômeurs mais, telle que la crise est partie (subie ?), il est peu probable qu’on y arrive (« la force du destin »). Mais si on y arrivait, et un peu de volontarisme y suffirait, cela changerait beaucoup ! Mais moins, certes, que la robotisation (voir plus loin).

• Malgré tout, la présentation est irréprochable (sauf la projection démographique à 40 ans…), puisque tout ce qui est visé, c’est d’étudier la « finançabilité » : « Les Echos » est quand même suffisamment intelligent pour s’en tenir là et ne pas considérer si, derrière les cotisants (c’est-à-dire les actifs enrôlés), il n’y a pas des armées d’actifs occultes qui ne « paient » peut-être pas ouvertement, mais qui soutiennent (« supportent », dirait-on en franglais) nos retraités (ce qui s’appelle l’entraide associative). Non, restons financiers !

Nombre de cotisants = nombre d’actifs, d’accord – Mais : et les robots des actifs ?

Chers amis ingénieurs (sans frontières ou pas), ouvrez vos oreilles, car nous arrivons à un « nœud gordien », qui est précisément celui que la plupart des (d)économistes se gardent de vouloir trancher (alors qu’Alexandre osa et en fut récompensé). Il s’agit de pro-duc-ti-vi-té, et nous allons d’abord en parler entre ingénieurs (la productivité, ça nous connaît : c’est même notre raison d’être) avant de la mettre à la sauce financière, pour accéder à ceux des (d)économistes qui ne connaissent que cela. Donc, amis ingénieurs, vous savez que si, en un an, les machines permettent à un « actif » de produire 3% de plus à effort égal, cela donnera sur 10 ans, en « intérêts composés », une production par tête accrue de : 1,03exp10 = 1,34. Trente quatre pour cent de mieux en dix ans ! En vingt ans : 1,34²= 1,79 etc. et en 50 ans (puisque ces messieurs veulent viser loin) : 4,3. C’est-à-dire que dans 50 ans, un homme produira, à effort égal, quatre fois plus qu’aujourd’hui (on vous fait grâce de la décimale…), ou bien il faudra quatre fois moins d’actifs pour produire la même chose.

Enfumage par omission

Vous n’en croyez pas vos oreilles ? « Y’a un truc » ? Eh bien, comment alors, en 50 ans, a-t-on réussi à diviser par 10 le nombre de nos agriculteurs, tout en produisant autant ou plus ? Eh bien, en gagnant, chaque année en moyenne, 4,7% de pro-duc-ti-vi-té. Et ceci dans un domaine qu’on aurait pu penser revêche à la mécanisation (notons qu’il y a eu aussi beaucoup de biologie appliquée dans cette accélération de la productivité, et que ce sera encore plus le cas au 21ème siècle). Pensez alors à des domaines où la mécanisation/robotisation roule comme sur un boulevard ! Tel est le cas, par exemple, de la mécanique, notamment automobile (robots, machines-transfert). Tel est encore plus le cas dans l’industrie informatique, où sévit depuis disons 20 ans (et on pense pour une bonne décennie encore) la fameuse « loi de Moore » (en fait, une conjecture « au doigt mouillé », mais qui marche : ici, la productivité double tous les deux ans, « à la louche »). Ou plutôt : les performances atteintes doublent tous les 2 ans, ce qui en 10 ans représente un facteur 32, en 20 ans un facteur 1.000, en 30 ans un facteur 30.000 etc. (les kilobits deviennent des gigabits, les kilohertz des gigahertz etc.). Mais revenons à nos modestes progrès de 3% par an, et voyons s’ils peuvent payer nos retraites. Pour cela, reprenons le tableau des cotisants et des retraités donné plus haut par « Les Echos », et sous la ligne « cotisants » (humains) ajoutons une ligne « cotisants robots ». Vous me voyez venir : cela veut dire que si en 10 ans, un actif, démultiplié par l’ingénierie, arrive à produire 34% de plus, c’est comme s’il avait à ses côtés « un tiers d’actif » en plus. Mais ce tiers d’actif sera un robot en non un homme. On l’appellera donc « cotisant robot ». Et voici les résultats :

Année 2006 2015 2020 2030 2040 2050
Nb cotisants (millions) 16,8 18,3 18,5 18,6 18,8 18,9
Nb cotisants (Robots) 0 5 9 19 32 50
Total des cotisants 16,8 23,3 27,5 37,6 50,8 68,9
Nb retraités 10,5 13,8 15,3 18,6 21 22,1

• Nos calculs sont à votre disposition. Nous avons arrondi les résultats, pour montrer que notre sens critique n’a pas été endormi par l’ordinateur Eh bien ? Cela dépasse l’imagination ? Je dirai même plus : cela rejoint l’expérience. A savoir que les gains cumulés de productivité sont le facteur dominant, et que le reste pivote dessus. Dans notre cas, analysez donc l’effet d’optique, si bien utilisé par les (d)économistes pour nous embrouiller. Soi-disant :

• Le nombre de cotisants augmentera un peu (bon point pour la France)

• Le nombre d’allocataires (retraités) va plus que doubler

• « Donc une catastrophe est en vue, si on ne fait rien » Ils « oublient » (acte manqué de type freudien) la main cachée du robot qui double et triple celle de l’homme, sur la distance. Et pourtant, ils sont payés pour le savoir (et pour ne pas le dire, diront les mauvaises langues).

Enfumage par émission

Vous aurez remarqué, chers ingénieurs ou pas, comment on a pu jusqu’ici vous enfumer « par omission », en ne parlant pas d’une donnée essentielle, l’augmentation de productivité. Et pourtant, nous étions encore dans le domaine relativement solide de la démographie et de la productivité, et à aucun moment, nous n’avions parlé « financement », c’est-à-dire monétaire. Or, nous y arrivons, et il va falloir boire le calice jusqu’à lie. Maintenant, nous allons parler euros, et ceux d’entre vous qui se sentent plus confortables de ce fait feraient bien de se méfier, et d’étudier l’économie, mais la vraie. Car pour la fausse économie, dès qu’on entre dans le financiaro-monétaire, tous les enfumages sont permis : par omission comme par émission.

Commençons par les déficits (« à proscrire », selon Bouvard et Pécuchet)

Le tableau du début nous donne une série de déficits croissant dans le temps (de l’équilibre à plus de 44 milliards d’euros en 40 ans). Un déficit est une différence entre une ressource et une dépense. C’est en rapport avec cela qu’il faut se faire une idée du déficit (« combien de pourcent ? »). Or, vous chercheriez en vain dans l’article ces grandeurs de référence. Alors, avec notre bon sens éprouvé, nous allons essayer de suppléer à ce manque. On nous dit dans les tableaux que le nombre d’allocataires (retraités) passe en gros de 11 millions en 2006 à 22 millions en 2050. Disons, toujours par bon sens et en ordres de grandeur, que l’allocataire moyen touche 10.000 € par an, pour faire rond. Pour 18 à 20 millions d’allocataires (vers la fin), cela représente un total de pensions de 20 millions fois 10.000 € = 200 milliards d’euros par an. Alors que les déficits augmentent de 0 à 44,5 milliards d’euros « si on ne fait rien ». Soit, par rapport à 200 milliards de prestations, un déficit de 44,5/200 = 23%, dans 40 ans si on ne fait rien. On se serait attendu à pire : 100%, ou 400%, ou plus peut-être ? Non, un modeste 25% (pour arrondir), qu’on peut voir venir pendant 30 ans, pour y remédier (c’est-à-dire se faire plaisir comptablement parlant). Il suffirait, par exemple, d’augmenter les cotisations (en €) de 10% en 30 ans, et de diminuer les prestations de 10% (en €) sur la même période pour que, « toutes choses égales par ailleurs » (alors que la productivité va changer en bien, de 300% au moins, et l’euro, Dieu seul sait !), « tout rentre dans l’ordre » (comptablement, encore une fois, ce qui ne veut pas dire grand-chose… sauf pour les comptables et autres (d)économistes). Ne vous a-t-on pas bien enfumés, mais cette fois, « par émission » de chiffres financiers qu’aucun humain avisé et réaliste ne peut prendre pour… argent comptant ?

Peut-on faire cotiser des robots ?

Mais puisque ces messieurs veulent parler finances, emboîtons-leur le pas, quoique à notre manière : et si on faisait cotiser les robots ? Voilà de la belle créativité financière ! Et vraiment très modeste, par rapport à celle, échevelée, qui a provoqué la crise financière que l’on sait ! Nota : « faire cotiser les robots » demande que soit créée une jurisprudence. Sinon, on pourrait se trouver dans un « vide juridique » auprès duquel le vide sidéral semblerait dense. Mais les juristes et les financiers n’ont jamais manqué d’imagination. Donc, reprenons les calculs (financiers), et voyons combien devrait cotiser un robot (et un homme : ne faisons pas de discrimination) pour que fût préservé l’équilibre du régime des retraites. En voici le tableau :

Année 2006 2015 2020 2030 2040 2050
Nb cotisants (millions) 16,8 18,3 18,5 18,6 18,8 18,9
Nb cotisants (Robots) 0 5 9 19 32 60
Total des cotisants 16,8 23,3 27,5 37,6 50,8 68,9
Nb retraités 10,5 13,8 15,3 18,6 21 22,1
Indice de cotisation 1 0,96 0,90 0,80 0,67 0,61

Guide de lecture : « L’indice de cotisation », qui est 1 en 2006 (les cotisations équilibrant les prestations) va en décroissant à mesure que le temps passe, c’est-à-dire qu’on peut cotiser de moins en moins tout en assurant l’équilibre… à condition que les « robots » cotisent. Evidemment, si les « cotisations des robots » vont dans d’autres poches (toujours les mêmes), l’équilibre s’en trouve compromis.

Donc, chers amis, vous voyez que loin d’entrer irrémédiablement dans les déficits, nous aurions des excédents accrus, « si seulement les robots cotisaient », c’est-à-dire si la valeur ajoutée qu’ils apportent n’allait pas dans d’autres poches que celles des retraités (et des actifs), c’est-à-dire toujours vers les mêmes. Quoi qu’il en soit, n’oubliez pas : tout raisonnement financier est suspect, et tout raisonnement démographique risque de passer à côté de l’essentiel, si on ne fait pas tout pivoter sur l’élément central qui est : la croissance séculaire de la productivité.

Peut-on construire soi-même sa retraite ?

J’espère que vous avez compris les similitudes qu’il y a, mais aussi les différences, entre les systèmes de prévoyance des humains, et celui des écureuils. A la belle saison (printemps, été, automne), les écureuils mangent des noisettes, mais en mettent aussi de côté, dans des caches, pour en disposer « quand la bise sera venue ». Les humains, eux, travaillent à bien plus long terme, mais sont endoctrinés comme des écureuils, à savoir :

• Votre épargne d’aujourd’hui (cotisations = noisettes) vous sera rendue plus tard (disons dans deux générations). Peut-être même aura-t-elle fait des petits (on va « faire travailler l’argent »), mais c’est loin d’être sûr, car les crises etc. j’en passe, et des meilleurs, bref, craignez pour vos retraites, car « l’argent travaillant » peut bien se tuer à la tâche et vous ruiner. Mais reprenons le raisonnement en réalistes, c’est-à-dire en écureuils qui ne se laissent pas leurrer par la « valeur argent ». Voici ce que cela donne :

• Aujourd’hui, vous produisez des noisettes, qui vous nourrissent, ainsi que tous ceux (dont les retraités) qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas « actifs » (du moins, au sens comptable du terme). Une partie de ces noisettes est utilisée pour planter de nouveaux noisetiers (c’est l’investissement).

• Si vos successeurs travaillent bien et non seulement plantent de nouveaux noisetiers, mais le font avec une efficacité croissante, avec des plants sélectionnés meilleurs et plus productifs etc., alors, quand vous arriverez à l’âge de la retraite, vos successeurs cultiveront d’énormes plantations de noisetiers de meilleure qualité, qui les nourriront, eux, mais aussi vous, et même « le tiers-monde », s’ils sont altruistes. C’est ainsi que l’on « fait travailler les noisetiers » (et non pas l’agent…). Par contre, je ne vous recommande pas du tout la méthode suivante :

• Vous produisez des noisettes qui vous nourrissent, et en vendez l’excédent au marché. Cela vous rapporte des euros, ou des napoléons, que vous accumulez dans un coffre.

• Le moment de la retraite arrivé, vous ouvrez le coffre, et vous allez au marché acheter ces noisettes qui sont votre pain quotidien. Là, vous constatez que l’euro n’a plus cours (il a été adopté par notre grand voisin oriental qui a fait faillite (voir emprunts russes)), le cours de l’or s’est effondré etc. Il ne vous reste plus qu’à différer votre départ à la retraite, et devenir un « vieux travailleur pauvre ». (Que ceux qui trouveraient ce schéma caricatural viennent en parler à l’auteur). J’espère que vous nous aurez pardonné cette digression pour « enfants des écoles » (mais nous sommes tous des enfants) : elle peut servir pour aborder ce qui est l’objet de la présente section (« Peut-on construire soi-même sa retraite ? »), que nous abordons à la lumière d’un article de « Les Echos » du 22-6-2009 intitulé : « Retraites : les Perco font toujours recette auprès des salariés ».

Mais d’abord, que sont ces « Perco » ? Ce sont des « Plans d’épargne pour la retraite collectifs ». Objet : « préparer financièrement sa retraite ». (NDR : rien qu’à cet énoncé (« préparer financièrement ») on peut se mettre sur ses gardes). Ce sont naturellement les entreprises qui proposent à leurs salariés d’investir dans ces « produits d’épargne ». Avec un certain succès, semble-t-il (NDR : tout le battage sur « craignez pour vos retraites » porte au moins quelques fruits). Jusqu’ici, ces Perco sont facultatifs, et il fallait demander à y adhérer. Une loi du 3 décembre 2008 les laisse facultatifs, mais prévoit des « clauses d’adhésion automatique » (en d’autres termes, il faudra maintenant demander à ne pas y adhérer…). Tout cela « permettra d’augmenter le taux d’adhésion au PERCO », se réjouit l’AFG, Association française de la gestion financière. L’encours des plans d’épargne (la somme des cotisations reçues et leurs évolutions boursières subséquentes) atteint maintenant 1,8 milliard d’euros (NDR : par bonheur, très marginal comparé aux quelques centaines de milliards d’euros par an qui se traitent au niveau des cotisations et des pensions). L’encours moyen par tête est de l’ordre de 4.000 €, ce qui confirme la modicité du phénomène, au niveau individuel (comme le confirme aussi, au niveau collectif, le fait que cela ne concerne que moins de 500.000 salariés sur une vingtaine de millions). La gangrène n’est donc pas encore inévitable.

Pourquoi parler de « gangrène » ? Parce que nous avons en France un système de prévoyance efficace, issu des avancées sociales consécutives à la seconde guerre mondiale (les « cent familles » en avaient alors pris un coup), et où les cotisations retraite sont versées conjointement par les salariés et les employeurs. Si un problème purement financier se présente (déficit), il suffit d’augmenter les cotisations en faisant payer… les robots, c’est-à-dire les profits de l’entreprise que le travail des robots fait grossir. Mais ce serait trop triste ! Il faudrait que les entreprises mettent la main à la poche. Les salariés pourraient (et voudraient) mettre la main à la poche (cotisations accrues), plutôt que d’aller se fourvoyer vers les Perco et autres plans retraite. Mais pas les « entreprises », qui ne sont pas là pour faire du social. Et puis, « à quoi ça servirait que l’AGF (Association française de la gestion financière) se décarcasse ? ». Donc : « Craignez pour vos retraites (NDR : crainte sans fondement), et pour y faire face, cotisez tout seuls, comme des grand salariés que vous êtes ». (NDR : en prélevant notamment sur les cagnottes de la « participation » et de « l’intéressement », encore de belles formules pour exprimer l’argent qu’on a, avec interdiction de le dépenser). Pas grave : le Français est déjà un des meilleurs épargnants du monde. Un petit tour de vis supplémentaire n’y paraîtra pas.

oOo

Polen LLORET – 22-6-2009


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