La Charte d’Ingénieurs sans Frontières
lundi 2 novembre 2009
Quel document synthétise le mieux la réflexion d’ISF que sa propre charte ?
Cette charte est à la fois le produit de l’histoire d’Ingénieurs Sans Frontières et le document d’orientation des actions présentes. La Charte identifie les valeurs fédératrices de l’association. Elle a été adoptée le 14 décembre 2002 par l’Assemblée générale d’ISF.
Le fondement de notre engagement : la prise de conscience de la responsabilité particulière de l’ingénieur dans la construction du développement durable.
Nous, membres d’Ingénieurs Sans Frontières, considérons comme fondamental de permettre aux générations présentes de répondre à leurs besoins, et ce sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Cette conviction, ainsi que notre prise de conscience des interdépendances mondiales, ont été renforcées par nos vingt ans d’expérience de terrain. Elles nous incitent à poser le problème des dépendances génératrices d’inégalités au niveau international. En effet, ces dernières représentent selon nous un danger majeur pour le développement durable de l’homme et de la planète.
Ces dépendances dérivent en partie de la prédominance du modèle technicien érigé comme universel. Nous constatons que ce modèle recherche principalement l’efficacité des méthodes et considère l’amélioration de l’existant comme seul critère de résultat. L’accomplissement des valeurs humanistes n’est qu’un vœu pieux au regard de ce dernier. Par ailleurs, tous les sujets, vivants ou non, sont divisés en autant de parties que de spécialistes capables de s’en occuper, et sont ainsi dépossédés de leur signification. La technique est alors chargée de résoudre un grand nombre de questions de manière autonome et spécialisée, ne recherchant qu’une plus grande efficacité, sans aucune référence aux valeurs qui fondent nos sociétés.
L’ingénieur, en tant que maître d’œuvre de la transformation de la technique, et de la société par la technique, possède donc une responsabilité particulière dans la collectivité. Son rôle est essentiel pour que la technique soit questionnée et reste un outil au service de l’homme. Au sein d’Ingénieurs Sans Frontières, nous désirons donc exercer notre citoyenneté, notre responsabilité individuelle et collective, envers les populations à l’échelle de la planète.
En résumé, Ingénieurs Sans Frontières se veut un mouvement social d’ingénieurs et de citoyens participant à la construction du développement durable de la planète.
La finalité de notre projet associatif : lutter pour un exercice harmonieux des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels au niveau mondial.
Nous déclarons adhérer au concept de développement durable défini au sommet de la Terre de Rio en 1992 : « Le développement, c’est-à-dire la satisfaction des besoins de l’humanité, suppose pour être durable de ne pas construire lui-même ses propres obstacles. Les conséquences, à moyen et long terme, des orientations choisies ne doivent pas aboutir à des impasses sociales, économiques, biologiques ou environnementales. [...] les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. »
Nous souhaitons la réalisation du droit inaliénable qu’ont tout homme et toute femme en collectivité de façonner leur destin commun, et donc de disposer d’eux-mêmes. Ce principe est conditionné à l’exercice harmonieux des droits, non seulement civils et politiques, mais aussi économiques, sociaux et culturels, portant notamment sur l’éducation, la santé, la nourriture, le logement et le travail.
Nous constatons de fortes inégalités, entre les populations, dans l’accomplissement de l’ensemble de ces droits. Ils se trouvent notamment remis en cause par l’existence de dépendances économiques, sociales ou politiques. D’une part, celles-ci s’articulent à l’échelle mondiale pour former un système fortement interdépendant et marqué par l’injustice. D’autre part, leur persistance pèse inéluctablement sur les générations futures.
Partant de cette conception, nous faisons ainsi de la lutte contre toutes les formes de dépendances génératrices d’inégalités au niveau international, notamment celles qui touchent les plus défavorisés, la priorité de notre action. Leur extension étant renforcée aujourd’hui par l’existence d’un modèle dominant, nous désirons donc promouvoir la diversité des alternatives.
Enfin, nous affirmons que tous les êtres humains partagent une responsabilité collective et un droit de participation dans la construction du monde de demain ; par conséquent, le développement durable passe par la solidarité internationale et intergénérationnelle.
Nos principes d’action : une pratique critique de la démarche de l’ingénieur dans des réseaux solidaires de partenaires.
Nous désirons en premier lieu exercer de manière critique la démarche de l’ingénieur pour participer à la construction du développement durable. La pratique qui est au centre de notre engagement doit selon nous se réaliser sur tous les terrains où sont présents les ingénieurs (écoles, entreprises, service public, société civile...).
Nous recherchons ainsi la réappropriation de la technique, de sa démarche et des enjeux qu’elle soulève par les populations afin d’en faire de véritables outils de développement durable. Dans la pratique, nous entendons entre autres jouer un rôle de facilitateur et de médiateur entre les hommes, la technique et les transformations qu’elle induit, aussi bien au niveau local que global.
Agir sur le terrain est pour nous indissociable d’une participation aux débats sur les enjeux mondiaux qui en émanent. En effet, les expériences et pratiques locales sont essentielles pour accroître la pertinence des réflexions et des actions globales à l’échelle de la planète. Réciproquement, pour participer au développement durable, les actions de terrain doivent toujours être mises en perspective au regard des questions globales qui nous sont posées.
Par ailleurs, conscients des interdépendances croissantes entre les générations, les populations, les domaines techniques, sociaux, culturels, économiques, politiques, environnementaux, nous pensons que l’approche multidimensionnelle de l’action est indispensable.
Nous désirons donc nous insérer à notre mesure, voire être initiateur, dans des réseaux solidaires de partenaires. La responsabilité de tous les participants, dont celle d’ISF, y est engagée et doit permettre aux communautés locales de maîtriser le processus de l’action dans sa totalité. C’est la condition principale pour que soit respecté et concrétisé le droit inaliénable des êtres humains, en collectivité, de décider leur propre destin.
Ces réseaux ont ainsi pour but de mettre en œuvre une forte complémentarité des rôles et des compétences de chacun ainsi qu’un effort continu de questionnement, d’évaluation, de partage et d’échange, notamment interculturel. Dans cette optique, la capitalisation, l’évaluation et la confrontation des expériences et des savoirs au sein de réseaux de solidarité sont au cœur même de la démarche d’Ingénieurs Sans Frontières.
Selon nous, ces savoirs impliquent à la fois des connaissances et les connaissances de nos limites. Nous considérons ainsi comme essentielles l’appréhension et l’étude des irréversibilités et de l’impact à long terme ou à grande échelle de toutes les actions que nous entreprenons. Il est donc primordial que dans notre action toute pratique soit questionnée et que chaque connaissance soit soumise au doute, notamment par l’ouverture au-delà du milieu ingénieur. On peut alors les remettre dans une perspective de progrès à dimension humaine.
L’association de solidarité internationale Ingénieurs Sans Frontières se donne donc pour mission de participer à la construction du développement durable par une pratique critique de la démarche de l’ingénieur.
fr Penser l’Ingénieur Citoyen Les réflexions d’ISF ?